L’actualité des regroupements
Les regroupements sont largement engagés au sein du secteur, même si conjoncturellement ils peuvent prendre du retard dans leur élaboration. Ils s’opèrent selon deux modalités principales.
1. La fusion d’opérateurs
Cette opération nécessite un accompagnement fort et structurant pour articuler une multiplicité de chantiers :
- Définir une ambition et un projet commun,
- Faire converger les systèmes d’information,
- Elaborer une organisation qui prendra en compte les réalités et savoir-faire de chacun,
- Elaborer de nouvelles pratiques sociales,
- Respecter les étapes juridiques et opérationnelles,
- Harmoniser les méthodes comptables,
- Adapter les processus opérationnels adaptés, ….
Autant de chantiers qu’il convient d’articuler dans leur cohérence et leur temporalité. L’écoute et l’implication des collaborateurs, la communication en continu, la mobilisation du management opérationnel pour porter ces projets constituent des points déterminants de la conduite du changement.
Ces opérations peuvent concerner des organismes de taille et de situation similairess ou des organismes de taille et de situation contrastée. Dans les deux cas, l’acuité des chantiers n’est pas la même.
Dans des opérations entre opérateurs aux caractéristiques similaires, les difficultés sont de plusieurs ordres : se projeter dans l’élaboration d’un nouveau projet, d’une nouvelle organisation et de nouveaux processus opérationnels qui ne peuvent être la duplication de l’une ou l’autre des situations précédentes. Chacun peut être amené à défendre ses caractéristiques, mettre en avant ses savoir-faire, promouvoir ses outils. La prise de distance et l’ouverture à d’autres modes de fonctionnement nécessitent :
- Une mise à plat de l’existant pour mieux comprendre les réalités de(s) autre(s) partenaire(s),
- Un travail de scénarisation de schémas organisationnels nourris de la comparaison avec d’autres organismes de taille similaire à celle résultant de la fusion,
- Un arbitrage clair, avec un dialogue nourri entre les structures,
- L’identification des atouts et limites des différents schémas et la recherche d’options nouvelles.
L’association des équipes se fait à deux niveaux : la déclinaison d’une organisation cible et la finalisation des processus opérationnels.
Une attention particulière à la conduite du changement, à l’écoute des collaborateurs, à la constitution de moments collectifs et à la communication permet de mieux se connaitre, de réduire les écarts de perception et de représentation, de se projeter positivement dans ce qui rapproche.
Dans les opérations réunissant des organismes aux caractéristiques très différentes il s’agit le plus souvent d’intégrer des équipes à un cadre organisationnel préexistant. Cela peut être l’occasion d’enrichir l’organisation en y introduisant de nouvelles pratiques parfois plus agiles et innovantes. Les salariés de l’entreprise « intégrée » font le plus souvent preuve de réalisme quant aux écarts de situation. Ils voient dans le projet une occasion de pérenniser l’entreprise, d’ouvrir de nouveaux débouchés, de mieux remplir leur mission, de disposer d’un cadre social plus nourri. Ils sont attentifs aux signes qui marquent le respect et la prise en compte de leur réalité (son histoire, sa culture, ses savoir-faire). S’autoriser des adaptations au schéma d’organisation permet de construire une intégration progressive. De même l’accompagnement des équipes doit se concrétiser par l’écoute des collaborateurs, la préparation de l’intégration des équipes, leur accompagnement, l’apport de réponses précises aux questions posées (conditions de mobilité, nouveau cadre social, formation).
2. La constitution de groupes de logement social via la création de sociétés de coordination
Le regroupement s’opère aussi via de nouveaux dispositifs comme la constitution de société de coordination.
La création d’une société de coordination concrétise la volonté de bailleurs sociaux de « faire groupe ». A cet effet, la loi lui impose la réalisation de missions obligatoires, notamment l’établissement de cadres stratégique patrimonial et d’utilité sociale communs à tous ses actionnaires, le contrôle de gestion, l’organisation de la gestion des ressources financières, l’établissement d’une politique technique commune, d’une politique d’achat, d’une identité visuelle et d’une politique de communication. La société de coordination a également pour mission d’organiser la soutenabilité financière du groupe. A cet effet, les partenaires fixent des ratios qu’ils s’engagent à respecter dans leur gestion.
Par ailleurs, à la demande de ses actionnaires la société de coordination peut exercer des compétences dites optionnelles et effectuer dans ce cadre des prestations de services sur une large palette d’activités.
Au moins 40 projets sont en cours d’élaboration. 111 organismes sont concernés pour près de 850.000 logements gérés. Cette nouvelle forme va prendre dans les prochains mois une dimension importante au sein de la profession. De nombreuses configurations se retrouvent sur le terrain à différentes échelles : nationale, infrarégionale, entre agglomérations, à l’échelle d’une l’agglomération.
Les partenaires doivent élaborer un projet commun, définir comment fonctionner ensemble, les décisions à prendre à leur échelle et celles à partager, leur gouvernance, leur organisation pour exercer les compétences obligatoires et éventuellement optionnelles, concevoir les projets communs.
Les sociétés de coordination vont vraisemblablement se développer en plusieurs étapes :
- Une première étape de constitution vise à remplir les obligations légales en se centrant sur les compétences obligatoires. Elle nécessite de mieux se connaitre, de partager les informations sur les situations organisationnelles et financières, de s’accorder sur la gouvernance à mettre en place, de définir les grandes lignes du projet stratégique, d’envisager les modalités d’organisation des compétences obligatoires, de retenir quelques projets mobilisateurs pour le Groupe. Cette première étape a peu d’impacts sur les équipes et mobilise plutôt les gouvernances et les directions générales.
- Une deuxième étape devrait permettre d’aller plus loin dans la mutualisation de compétences pour bénéficier d’effets leviers : optimisation des coûts, montée en expertise, exercice de nouvelles activités.
D’ores et déjà l’élaboration de ces projets nécessite une réflexion approfondie sur la gouvernance et les processus décisionnels : faire groupe c’est effectivement remettre en question les modalités de décision classiques pour les partager, c’est ouvrir de nouvelles modalités de management stratégique et opérationnel,… Ces évolutions exigent de disposer d’un projet qui a du sens, une conception du métier, une ambition et des valeurs partagées, des relations de confiance fondées sur la transparence des informations et des projets.
Le mouvement de recomposition modifie profondément le paysage des organismes. 10 grands réseaux ou opérateurs regroupent la quasi-totalité des ESH, les offices se regroupent par le biais d’opérations de fusion ou de sociétés de coordination. Des formules regroupant ESH et OPH dans le cadre de société de coordination se développent. Certains optent pour un changement de statut pour élargir le champ des possibles en matière de regroupement.
Quelle que soit leur forme ces projets de regroupements sont confrontés à de nombreux défis : réussir les opérations et embarquer les équipes dans des projets porteurs de sens et respectueux des identités antérieures ; conserver une capacité de dialogue stratégique et d’action opérationnelle au plus proche des territoires et des élus qui voient ces mouvements avec inquiétude parfois et interrogations souvent ; concilier agilité, adaptation au plus proche du terrain, puissance d’action et efficacité opérationnelle ; développer fluidité et réactivité des processus décisionnels dans des cadres organisationnels plus larges ;… autant de chantiers en cours et à venir.
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Christophe PALLOT, Directeur Stratégies et Transformations
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